>Lettre ouverte de la FSU à Estelle Youssouffa, députée de Mayotte<
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Mamoudzou le 19 février 2024
Objet : votre intervention sur CNEWS le 13 février 2024
Madame la Députée,
Dans le contexte de tensions que nous connaissons, il n’est pas très responsable de votre part de vous en prendre aux personnels enseignants de
l’île. Nous sommes d’autant plus surpris que nous sommes disposés à dialoguer avec vous, mais que vous n’avez pas cherché à prendre notre attache avant de vous exprimer sur des sujets qui nous touchent de près. Vous avez attaqué notre profession et nous avez désignés à la vindicte en faisant un lien entre éducation et violence dans vos propos sur CNEWS du 13 février 2024 : en parlant des délinquants comme étant formés et encouragés par les enseignants ils sont éduqués par le chevalier blanc de service, l’enseignant qui vient se faire de l’humanitaire à coup de primes à Mayotte plutôt que d’aller le faire en Afrique. Qui le bassine de grandes idées en lui disant tu auras tes papiers (…) ils deviennent des bêtes sauvages .
La physionomie des enseignants dans le premier degré ne correspond pas à votre description tendancieuse !
Notre organisation, principale fédération dans l’éducation à Mayotte, largement majoritaire dans le premier et second degré, n’a fait aucun commentaire public sur ce mouvement depuis son début. Pour autant nos collègues comprennent ses motivations. Nous vivons, nous aussi, l’insécurité au quotidien, sur la route et sur notre lieu de travail. Depuis 2018, nous avons exercé notre droit de retrait dans de nombreux établissement à la suite d’agressions de bandes armées. C’est le cas aujourd’hui aux collèges de Koungou et de M’Gombani. Par ailleurs, nous souhaiterions que les élèves que nous avons formés, puissent avoir les moyens règlementaires de continuer leurs études en métropole.
Quant aux primes, si vous connaissiez un peu mieux la situation, vous devriez savoir que beaucoup d’entre nous n’en perçoivent plus depuis longtemps. Si nous restons, c’est parce que nous aimons cette île. Dans le second degré, si nous étions des chasseurs de prime, nous l’aurions quittée depuis longtemps.
Dans le premier degré nous attirons votre attention sur le fait que, de plus en plus de collègues recrutés et formés localement demandent à quitter l’île.
De plus, en tant que députée de Mayotte, vous devriez savoir ce à quoi nombre de parents sont confrontés : la grande difficulté à pourvoir les postes, cette difficulté qui fait que leurs enfants peuvent se retrouver sans professeur, non parce que les profs sont absents mais parce que l’attractivité est en berne.
Enfin, au lieu de faire du prof bashing, en tant que députée de la nation, vous n’êtes pas sans ignorer que le métier d’enseignant n’attire plus et qu’une des raisons majeures en est la faiblesse des salaires pour des personnes diplômées bien souvent à bac +5. Ce problème national a des répercussions sur Mayotte.
60 % de la population de Mayotte a moins de 25 ans. Il serait certainement plus profitable, pour le bien de tous, que vous vous battiez pour l’attractivité du service public d’éducation notamment pour l’augmentation du taux de majoration des salaires. L’ancien ministre des outre-mer s’y était engagé tout comme les parlementaires mahorais lors du Grenelle de l’éducation organisé à Mayotte par le précédent recteur. Vous seriez ainsi beaucoup plus utile à la jeunesse de Mayotte, plutôt que de fonctionner sur des préjugés à coup de petites phrases dans les médias ou sur un réseau social.
Nous ne laisserons pas passer ce genre de propos et attendons des excuses publiques de votre part.
Veuillez croire, Madame la Députée, en notre parfaite considération.
Anssifoudine PORT-SAID et Henri NOURI
Co-secrétaire départementaux FSU Mayotte